La Porte Latine revient sur le décrêt du Pape concernant la Fraternité Saint-Pierre publié en début de cette semaine. L’abbé Davide Pagliarani, Supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, répond à un certain nombre questions soulevées par ce décrêt (Pour être exact La Porte Latine reprend les propos d’une conférence donnée pour le Congrès du Courrier de Rome).
Considération de l’abbé Davide Pagliarani (FSSPX)
Si ce décret laisse en suspens de nombreuses questions quand à son application dans le contexte de Traditionis custodes, il marque cependant le choix assumé de la Fraternité Saint-Pierre d’aller encore plus en avant dans l’impasse évoquée par le supérieur général de la FSSPX, l’abbé Davide Pagliarani, lors du congrès du Courrier de Rome, le 15 janvier dernier à Paris. Les considérations qui suivent sont des extraits de la conférence qu’il a donné à cette occasion.
Un choix entre deux options
« Quelle est l’intuition principale de Traditionis custodes ? On peut tout résumer en ce principe : la messe tridentine ne peut pas être célébrée comme l’expression de la vraie Église, de la vraie foi. Et nous pouvons ajouter : on peut octroyer sa célébration à condition qu’elle ne soit pas célébrée pour ce qu’elle est en réalité. Voyez le paradoxe, tout le problème est là.
On revient à la situation de 1988 pour les instituts Ecclesia Dei, on peut dire qu’ils se trouvent aujourd’hui devant ce choix ; encore plus qu’avant, c’est un choix pressant entre deux options :
- ou l’on garde la liberté inconditionnelle de professer la foi intégralement, et on prend les moyens proportionnés en laissant la Providence gérer les conséquences ; c’est le choix qu’a fait la Fraternité Saint-Pie X avec Mgr Lefebvre ;
- ou on soumet cette possibilité [de célébrer la messe tridentine] à la volonté d’une autorité qui va dans le sens opposé. Et qui le dit et l’avoue.
Ce dernier choix est une impasse. Il est impossible d’aller de l’avant sans l’union des volontés. Vous ne pouvez pas mettre ensemble deux entités dont les volontés vont en deux sens opposés. Tôt ou tard vous arrivez à la situation de la crise actuelle. On donne un privilège, on donne un indult ; on crée ainsi une situation particulière, bancale ; et on attend l’espace d’une génération par exemple – ces 30 ans passés. Mais ce qui est octroyé, pour les uns a une signification et vise un but particulier, et pour les autres vise le but opposé. On ne peut pas vouloir à la fois le bien des âmes par la Tradition et une nouvelle Église sans la Tradition. »
Le risque de l’impasse définitive
« Après le temps d’une génération comme nous l’avons dit, ils ont un recul plus que suffisant, ils se trouvent aujourd’hui face à ce choix qui n’est pas entre Summorum Pontificum et Traditionis custodes. Il faut sortir de cette logique artificieuse. Désormais une continuité de fond entre ces différentes mesures a été mise en évidence ; même si matériellement elles sont bien différentes, elles ont un fond commun. Le choix n’est pas entre Summorum Pontificum et Traditionis custodes, entre un indult A ou un indult B ou un privilège C. Il faut sortir de cette perspective.
Le choix est entre la déclaration de 1974 – déclaration d’adhésion et de fidélité inconditionnelle et libre à la Rome éternelle –, et cette concession d’un indult particulier que l’on connaît déjà et dont on connaît toutes les conséquences. C’est ici le risque de l’impasse définitive pour les instituts Ecclesia Dei. Il ne faut pas s’appuyer sur des droits acquis, il faut s’appuyer sur l’exigence de la foi.
Pourquoi ? Vous pouvez avoir un droit particulier, un privilège, vous pouvez avoir un « charisme » dans votre congrégation ; mais Rome peut changer les constitutions, et plus encore Rome peut supprimer des congrégations : elle a supprimé les Jésuites, elle a supprimé la Fraternité Saint-Pie X, elle peut supprimer sans problème – je ne les nomme pas par respect – d’autres congrégations, d’autres instituts. Rome peut le faire. Et si on a lutté pendant des décennies, uniquement appuyé sur des privilèges particuliers liés à des congrégations particulières, tout cela peut être supprimé.
Qu’est-ce qui est éternel et qui rend notre combat invincible ? C’est la foi. Verbum Domini manet in æternum (1 P 1, 25).
C’est la foi qui est ce fondement nécessaire au combat actuel, au combat pour la Tradition ; et non pas un privilège. »
Viser le bien de l’Eglise, pas un privilège particulier
« Dans son motu proprio, le pape François dit quelque chose de vrai – si l’on fait abstraction de certains contenus. Il est vrai que l’Église a une seule messe. Il est vrai que l’Église a un seul culte. Mais ce culte unique de l’Église n’est pas la nouvelle messe. Tout le problème est là.
Ce culte unique de l’Église est dans la messe de toujours. Pourquoi cela ? Parce qu’il y a une seule rédemption. »
« Nous voulons cette messe non uniquement pour nous-mêmes, mais nous la voulons pour l’Église universelle. Nous ne voulons pas un autel latéral. Nous ne voulons pas le droit d’entrer avec notre étendard dans un amphithéâtre où tout est permis. Non !
Nous voulons cette messe pour nous-mêmes et en même temps pour tout le monde. Ce n’est pas un privilège que nous voulons. C’est un droit pour nous et pour toutes les âmes, sans distinction. C’est par ce biais-là que la Fraternité Saint-Pie X continue et va continuer à être une œuvre d’Église. Parce qu’elle vise le bien de l’Église ; elle ne vise pas un privilège particulier. Dieu choisira le moment, la modalité, la gradualité, les circonstances. Mais pour autant que cela dépende de nous, nous voulons cette messe maintenant, inconditionnellement et pour tout le monde.
Sans entrer dans une perspective trop humaine qui cherche un privilège particulier. Sans entrer dans une négociation où l’on commence à traiter : on nous donne une église, un horaire, l’usage du manipule, de la barrette, la Semaine sainte de saint Pie X… Non ! nous ne voulons pas entrer dans cette logique.
Nous voulons seulement deux choses : la foi et la messe. La doctrine et la croix qui alimentent dans l’âme la vie spirituelle, la vie morale. Nous les voulons maintenant, inconditionnellement et pour tout le monde. Et si nous gardons cette perspective, la Fraternité Saint-Pie X sera toujours et parfaitement une œuvre d’Église, qui agit au cœur même de l’Église, et qui n’a d’autre but que de procurer le salut des âmes dans l’Église et pour l’Église. »
La Fraternité Saint-Pie X analyse la situation avec sa liberté de fonctionnement et de ton vis à vis de la hiérarchie de l’Eglise. Elle a très certainement apporté sa pierre (avec d’autres) favorisant la publication du Motu Proprio de 2007 et la relative paix liturgique dans l’Eglise pendant 14 ans. Toutefois on ne peut pas non plus cacher certains paradoxes dans ses propres positions… puisqu’après la publication de ce Motu Proprio on a vu fleurir des mises en garde (très fortes certaines fois) dans les prieurés de la FSSPX face à ces messes traditionnelles célébrées par d’autres prêtres que ceux formés à Ecône. Il n’est pas tout à fait juste non plus d’affirmer que les communautés ex Ecclesia Dei ont tout lâcher ou se sont murées dans le silence : 33 ans après 1988 ces communautés sont toujours là… et nombreuses, et un dialogue franc s’est instauré dans de nombreux diocèses.
C’est faux !
Pour célébrer la messe traditionnelle, les instituts doivent concéder la légitimité la nouvelle messe et doivent reconnaître Vatican II qui pourtant est à l’origine de l’auto-démolition de l’Eglise. C’est le prix à payer de la part de ces Instituts Ecclesia Dei pour obtenir la faveur de célébrer la messe traditionnelle. Si vous dénoncez publiquement les erreurs du Concile ainsi que le progressisme des évêques, vous êtes rejetés et interdits d’avoir des églises pour y célébrer la messe traditionnelle. C’est le cas de la FSSPX. Pourtant, la messe traditionnelle a le droit d’être célébrée partout sans conditions et ne doit pas être conditionnée par l’acceptation (ou le silence coupable) des erreurs conciliaires.
Il n’empêche que M l’Abbé Joseph supérieur du district de France de la Fraternité St Pierre a dit -après son entretien récent avec le pape – que la messe nouvelle était légitime. Ceci est bien la preuve que la Fraternité St Pierre a abandonné le combat doctrinal.
La fidélité à la messe traditionnelle devient un attachement sentimental.
La Rome moderniste compte sue ce genre de réactions très faibles pour éradiquer définitivement la messe traditionnelle.
Non le combat pour la messe traditionnelle est bien un combat doctrinal.
Il faut une résistance forte aux hérésies modernes à l’exemple de Mgr Lefebvre.